Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/142

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La nationalité polonaise, si cruellement attaquée, mutilée dans son territoire, brisée dans l’existence de ses hommes les plus dignes, poursuivie avec fureur par l’arbitraire et par la loi, il dépend toujours de vous de la raffermir et de la refaire plus solide qu’elle ne fut. Cette fois, qu’elle se révèle hors des lois, ailleurs qu’en l’État, qui est toujours vulnérable. Fondez-la dans l’âme humaine, au sanctuaire de toute vie ; enfoncez-en la racine en ce qui n’est point attaquable ni accessible aux tyrans, dans l’amour mutuel de l’homme et dans la fraternité.

Si les actes vous sont interdits, les sentiments ne le sont pas. Veuillez, aimez ; personne n’en méconnaîtra les signes. La fraternité de cœur, l’égalité volontaire, se manifestent aisément.

Si vous ne pouvez encore changer l’état social des habitants des campagnes, vous pouvez changée leur esprit. L’on vous a empêché de leur fonder des écoles ; mais chacun de vous est une école. Ne vous enfermez point dans vos maisons solitaires, pour languir, attendre, mourir, pour tourner, retourner en vous le fer aigu de la douleur. — Sortez, venez dans le peuple, partagez les travaux des hommes ; descendez sur le sillon, suivez la charrue ; dites-leur tant de choses qu’ils ignorent, hélas ! et qui sont le cœur du cœur, le plus profond de leur être. Ce peuple, tel a été le terrible effet des longues misères, ne se connaît plus lui-même. S’il se souvenait ! Combien il en serait relevé !