Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/148

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Ce qui reste est plus facile. Il y faut bien moins d’efforts. C’est que, des grands aux petits, des petits aux grands, la Pologne, en son intérieur, s’adopte, s’aime elle-même.

Je me fie ici, pour cette révélation nouvelle du cœur de ce peuple, non aux Polonais seulement, mais à vous surtout, Polonaises ! Les femmes de cette nation eurent toujours l’initiative. Aux plus extrêmes périls, aux plus héroïques efforts, elles n’ont pas quitté leurs époux. L’amour n’est pas un vain mot en Pologne. Elles les suivaient dans les batailles, elles les suivent au martyre. La sinistre route qui, par deux mille lieues de sapins, mène aux glaces de la Sibérie, s’est vue couverte de longues files de femmes polonaises, suivant, les enfants dans les bras, les pieds tout sanglants, leurs époux enchaînés, sous la lance des Cosaques. Embrassant ce long supplice et le bénissant de leur sainteté, elles ont vaincu par l’amour toutes les fureurs des tyrans emparadisé la Sibérie, et fait de l’enfer un ciel.

Anges, déployez vos ailes, dans un nouvel héroïsme. Précédez-nous ici encore dans cette route difficile de la pauvreté volontaire, de la simplicité de vie que ce temps va nous demander. Douce est la fraternité, mais sa voie est âpre. Plus d’un la trouve trop dure. Plus d’un allègue la famille. Ils seraient simples pour eux-mêmes, disent-ils ; s’ils ont du luxe, s’ils ne peuvent se faire pauvres, fraterniser avec les pauvres, la