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Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/157

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-tassent en lambeaux, chairs informes, hideuses, où rien ne rappelait plus l’homme.

Quels sont vos sentiments secrets dans ces terribles épreuves ? Nous ne les ignorons pas. - Qu'il me soit permis de dire un fait :

Dans une guerre très-récente, un de vos jeunes officiers, arrivant dans une ville du pays envahi, se trouva logé chez une grande dame qui, pleine de ressentiment contre les Russes et la Russie, le fit recevoir par ses gens et refusa de le voir. À grand'peine il réussit à pénétrer jusqu’à elle, et d’abord parla très-haut. Elle, immuable, héroïque, répondit comme eût répondu la Patrie même à l’ennemi… Le cœur du jeune homme n'y tint pas, et, saisi d'admiration : « Madame, dit-il en se jetant à ses pieds et versant des larmes, nous sommes plus malheureux que vous… ; et moi-même, que vous voyez, j'ai tous les miens en Sibérie. »

Ainsi donc, vous avancez, muets, pâles, l’arme au bras, pouf exécuter malgré vous l’arrêt d'une fatalité ennemie. Vous avancez, tète basse, sans regarder derrière vous ni devant-vous. Derrière est la Sibérie, peuplée de noblesse russe, le Caucase ou l’abattoir où l’on vous fait massacrer. Et vous n'en allez pas moins. Derrière est la révolution, à laquelle vous sympathisez, la France et les idées françaises qui sont votre substance même. Et sans n’en allez pas moins.