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Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/156

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DE LA’ RUSSIE. 159

celle de Pestel et de Ryleïeff ? Désolante fatalité, d’aller à travers l’Europe, combattant ou condamnant les complices de vos pensées, la martyrs de votre foi, ceux dont vous enviez la mort !

Vous admiriez ces Hongrois que brisa en 1849 l’intervention russe. Les supplices qui suivirent, les outrages exécrables qu’ont subis des femmes héroïques, vous les ressentez comme nous.

Vous admiriez ces héros de la révolution polonaise, qui, en 1857, du fond de la Sibérie, par un coup d’incroyable audace, entreprirent d’armer le désert ; vous étiez plus morts qu’eux le jour où ils tombèrent sous le bâton, sous les coups de vos soldats en larmes et désespères.

Quel poignard dut percer vos cœurs lorsqu’en 1847, du gibet, Wisniowski cria cette grande parole : « Aimez-vous et pardonnez. »

Ceux d’entre vous qui servaient en 1831 ont, auront toujours aux yeux et au cœur une désolante image, de quoi gémir à jamais et se réveiller dans leurs nuits. Ils se souviennent de Gronstadt, du solennel martyre de l’armée polonaise, dans ce port si fréquenté, sous les yeux indignés de tous les marins du monde. Plusieurs centaines de braves, prisonniers de guerre, et par capitulation, refusèrent d’abjurer la patrie et de se faire Russes. Battus, guéris, rebattus quand leurs blessures se fermaient, ils persévérèrent, invincibles, jusqu’à ce que les charrettes les empor-