Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme à l’être vivant dont on détruit un poumon, dont on retranche un côté du cerveau : il vit encore, cet être, mais d’une manière souffrante et tout étrange qui accuse sa mutilation. Il ne respire qu’à peine, devient paralytique ou fou, ou bien encore,’ce qu’on peut observer, son équilibre étant rompu, il agit comme un automate, non comme une personne ; toute son action se fait d’un seul côté, aveugle, ridicule et bizarre.

Supposez un moment que nous apprenions ici un matin que notre éternelle ennemie, l’Angleterre, a passé sous les flots, ou bien encore que, la Baltique ayant changé de lit, il n’y a plus d’Allemagne… Quels seraient, grand Dieu ! les résultats de ces terribles événements ! On ne peut même l’imaginer. L’économie humaine en serait bouleversée, le monde irait comme ivre ; toute la grande machine, brisée et détraquée, n’aurait que de faux mouvements.

Supposez encore un moment que les vœux impies de nos traîtres (des écrivains cosaques) ont été exaucés, que l’armée du czar est ici, que la liberté a été tuée, que la France a fini dans le sang… Horreur ! la mère des nations, celle qui les allaita du lait de la liberté, de la révolution, celle qui vivifiait le monde de sa lumière, de sa vitalité… La France éteinte : hypothèse effroyable !… La vie, la chaleur baisse à l’instant pour tout le globe ; tout pâlit, tout se refroidit ; la planète entre dans la voie des astres finis qui errent