Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/35

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nous a tous défendus… c’est celui dont personne n’a pris la défense à son dernier jour !

Le dix-huitième siècle, qui a vu sa ruine, avait été pour la Pologne une époque de singulière douceur dans les mœurs. Les étrangers qui la visitaient alors nous disent qu’en ce pays, où il n’y avait ni police ni gendarme, on pouvait parcourir les immenses forêts en toute sécurité, les mains pleines d’or. Presque aucun procès criminel. Les rôles de plusieurs tribunaux établissent que durant trente années, on n’eut à y juger que des bohémiens ou des juifs, aucun Polonais ; pas un noble, pas un paysan accusé de meurtre ou de vol.

« Les Polonais avaient des serfs, » dit-on. Et les Russes n’en avaient pas sans doute ? Et les Allemands n’en avaient pas ? Le servage allemand était très dur, même en notre siècle. Un de mes amis a vu encore dans un État allemand une fille serve dans une loge à chien, avec une chaîne de fer. Nous-mêmes, Français, qui parlons tant, avec toutes nos belles lois, nous n’en avons pas moins des nègres, sans parler des nègres blancs, de l’esclavage industriel, qui souvent vaut bien le servage.

Le serf, sous la république de Pologne, payait dix fois moins qu’aujourd’hui. Ajoutez qu’il était exempt du plus terrible impôt qu’exige la Russie. La noblesse portait seule les armes. On ne voyait pas ces longues files de jeunes paysans polonais, la chaîne au cou, qui