Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/53

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d’eux, à qui on voulait donner une terre en propriété, disait : « Mais si je bois ma terre ? »

Il y a, en vérité, quelque chose d’étrange à confondre, sous ce même mot de communisme, des choses si différentes, à rapprocher ce communisme d’indolence et de somnolence, des communautés héroïques qui ont été pour l’Europe la défense contre les barbares, l’avant-garde de la liberté. — Les Serbes, les Monténégrins, ces populations voisines des Turcs, dans leur lutte inégale contre ce grand empire menacés à toute heure d’être enlevés captifs, traînés à la queue des chevaux, ont cherché, au milieu de ces extrêmes périls, l’unité et la force dans une sorte de communisme. Moissons communes, tables souvent communes, l’unité fraternelle dans la vie, dans la mort. Une telle communauté, on l’a bien vu par leurs combats et par leurs chants, n’a nullement énervé leurs bras ni leur esprit.

Il y a loin de là au communisme instinctif, naturel, paresseux, qui est l’état invariable de tant de tribus animales, avant que la vie individuelle et l’organisme propre se soient vigoureusement déclarés. Tels les mollusques au fond des mers ; tels nombre de sauvages des îles du Sud ; tel, dans un degré supérieur, l’insouciant paysan russe. Il dort sur la commune comme l’enfant au sein de la mère. Il y trouve un adoucissement au servage, triste adoucissement, qui, favorisant l’indolence, le confirme et le perpétue.