Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/59

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d’être libre. Un Russe de mes amis a fait de vains efforts pour y amener ses serfs. Ils aiment mieux le hasard du servage : c’est comme une loterie ; parfois on tombe à un bon maître. Mais les soi-disant libres sous l’administration n’ont point de ces hasards. Elle est le pire des maîtres.

Cette administration, dans l’empire du mensonge, est tout ce qu’il y a de plus mensonger. Elle se prétend russe et elle est allemande ; les cinq sixièmes des employés sont des allemands de courtaude et de Livonie : race insolente et pédantesque, dans un parfait contraste avec le russe, ne connaissant en rien sa vie, ses mœurs, ni son génie, le menant tout à contresens, brutalisant, faussant les côtés aimables, originaux, de cette population douce et légère.

Dans ce peuple de fonctionnaires, on ne peut sans dégoût envisager ce qui s’appelle Église, et qui n’est qu’une partie de l’administration. Nulle instruction spirituelle, nulle consolation donnée au peuple. L’enseignement religieux expressément défendu. Les premiers qui prêchèrent furent envoyés en Sibérie. Le prêtre est un commis, rien de plus ; et, comme le commis, il a les grades militaires. L’archevêque de Moscou a le titre de général en chef, celui de Kazan, de lieutenant général. Église toute matérielle et l’antipode de l’esprit.

Le pape de la Russie est le collège ecclésiastique,