Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ils ne pouvaient rien saisir, accusaient au hasard, criaient au jacobinisme. Ils supposaient une influence active de la France, et ils se {rompaient. Quelques jacobins vinrent à Varsovie, mais n’eurent que peu d’action. Un Français apporta tout imprimé un pamphlet vif et hardi : nil desperandum (rien à désespérer encore). Plus tard, la révolution ayant éclaté, on envoya en Turquie et aussi en France. Mais la France elle-même était au bord de l’abîme. Le comité de salut public ne promit rien et dit seulement qu’il ferait ce qu’il pourrait.

La révolution polonaise de 1794 fut tout originale. Elle eut deux éléments populaires : les ouvriers de Varsovie, soulevés, guidés au combat par le cordonnier Kilinski, et les paysans appelés sur les champs de bataille par Kosciusko.

Nous ne pouvons refuser un mot à cet ouvrier héroïque, qui fut, en réalité, le chef de la vaillante bourgeoisie de Varsovie. Il exerçait dans la ville une influence extraordinaire. Il avait coutume de dire : "j’ai six mille cordonniers à moi, six mille tailleurs et autant de selliers. " Un des ambassadeurs russes, le violent prince Repnin, devant qui tout tremblait de terreur, fait venir un jour Kilinski, et s’indigne devoir un homme calme, qui a l’air de ne rien craindre. " Mais, bourgeois, tu ne sais donc pas devant qui tu parles ? Alors, ouvrant son manteau et montrant ses décorations, ses cordons et ses crachats : " regarde,