Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/82

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perfidie de l’Autriche, qui recueillit les Russes battus, la perfidie de la Prusse, qui abandonna la Pologne, encouragée et compromise par elle, portèrent le coup mortel à ce malheureux pays. Le roi se déshonora, pour éviter le partage, en accédant à la ligue formée sous l’influence russe, pour les anciennes libertés. Et alors l’ambassadeur russe, terrifiant l’Assemblée, enlevant ses membres les plus courageux pour la Sibérie, enfermant et affamant pendant trois jours le roi et la diète, prit la main du roi demi-mort, et lui fit signer le second partage (1793).

Dans l’acte qui le déclara, on annonçait que, en mémoire de cette belle victoire des anciennes lois de la Pologne, on leur érigerait un temple bâti de roc, sous l’égide de a sage Catherine, un temple à la liberté !

Tout l’hiver, les Russes mangeaient la Pologne. Les logements militaires écrasaient le paysan. Ce n’était partout que pillage, pauvres gens battus, des larmes et des cris. L’ambassadeur russe Igelstrom, en quartier à Varsovie, apprenait aux Polonais ce qu’avaient été les Huns du temps d’Attila. Il faisait piller les uns, arrêtait les autres, se moquait de tous. Les ambassadeurs russes qui se succédaient en Pologne avaient, la plupart, une chose intolérable : ils étaient facétieux. Celui qui enleva quatre membres de la diète trouva plaisant d’ajouter : qu’il n’entendait point gêner la liberté des opinions.

Les Russes sentaient bien d’instinct qu’une insurrection couvait.