Page:Michelet - La femme.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’idée fixe du temps passé dont on a profité si peu, créent chez plusieurs une existence pénible et humiliante dont elles gardent le secret, un martyre de rêves avortés. Punies de leur vertu même, et d’avoir ajourné la vie, elles sont trop souvent frappées des cruelles maladies du temps. Ou bien, ces pauvres isolées, jouet de la fatalité, après une vie austère, tombent dans quelque honte imprévue, dont rit un monde sans pitié.

Celui qui l’aime et qui meurt doit voir l’avenir pour elle, mieux qu’elle ne le peut à travers ses larmes. Il faut qu’il prévoie et pourvoie, qu’il ne lui impose rien, mais la délivre des scrupules, même que magnanimement il se constitue son père, l’affranchisse, cette chère fille, la dirige et l’éclaire d’avance, lui arrange sa vie.

Ainsi la première union ne passe pas. Elle dure par l’obéissance, la reconnaissance et l’affection. Remariée, loin d’oublier, au contraire vivant par lui, et dans le calme du cœur, elle se dit : « Je fais ce qu’il veut. Ce qui me revient de bonheur, je le lui dois. Sa providence m’a donné la consolation, la douceur du dernier amour. »

Le haut intérêt de la veuve, si elle doit se résigner à un second mariage, c’est de prendre le proche parent. Je n’entends pas le parent selon la chair, comme la loi juive ; mais le parent selon l’esprit.