Page:Michelet - La femme.djvu/447

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le prie de ne pas manger tout et de laisser la part des pauvres. Elle fait pour ceux-ci les conserves utiles que nous avons trop oubliées.

Doux soins qui charment et prolongent la vie. Si ces plantes ne guérissent pas toujours le corps, elles soutiennent le cœur, le préparent, aplanissent le grand passage à la vie végétale.

Chaque matin, toute seule, lorsqu’au soleil levant elle a donné son cœur à Dieu, rêvé son cher passé, le prochain avenir, elle pose un bienveillant regard sur ses aimables héritières, les fleurs en qui bientôt sera sa vie. Ces touchantes figures de l’Amour végétal sont celles aussi de notre absorption, de ce que nous nommons la Mort. Qui pourrait la haïr si fraîche et si charmante, plus douce en ces gazons que le plus doux sommeil ! La vie lasse, agitée, sent en ce peuple ami l’attraction de la paix profonde.

En attendant, tout ce qu’une sœur peut faire ou demander de bons offices, tout échange d’amitié se fait. Elle les abreuve elle-même, les couvre, les défend de l’hiver. Elle entasse autour d’elles les feuilles et fleurs tombées, qui leur sont à la fois un abri et un aliment. Elle n’y prend les siens qu’avec reconnaissance. Si sa main, belle encore, cueille sur le cerisier, sur le pêcher, un fruit, elle leur dit en souriant : « Prêtez à votre sœur… De bon cœur, à son tour, elle vous restituera bientôt. »