Page:Michelet - La femme.djvu/454

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elle ne sait rien, et qui d’autant plus lui semble un effrayant chaos.

Où va-t-on la placer ? dans une famille agricole ? ce serait le meilleur ; mais ces rudes paysans qui s’exterminent, la traiteront comme eux, la tueront de travail. Elle n’est guère préparée à cette vie terrible, chancelante qu’elle est encore de ce moment de transition. Autres dangers, plus grands, si on la jette dans les centres industriels, s’il faut qu’elle affronte la corruption des villes, ce monde sans pitié où toute femme est une proie. On respecte si peu la fille sans parents ! Le chef même de famille à qui on la confie, abusera souvent de son autorité. L’homme en fera un jeu, la femme la battra, les fils de la maison courront sus, et la voilà prise. Ou bien elle trouvera une implacable guerre, un enfer autour d’elle. Au dehors, autre chasse, des passants et de tous, et (le pis) des amies qui attirent et consolent, qui caressent afin de livrer.

Je ne connais sur la terre rien de plus digne de pitié que ce pauvre oiseau sans nid et sans refuge, cette jeune fleur innocente, ignorante de tout, incapable de se protéger, pauvre petite femme (car elle l’est déjà), au moment dangereux où la nature la doue d’un charme et d’un péril, — et qui, tout justement alors, est jetée aux événements ! La voilà