Page:Michelet - La femme.djvu/455

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seule, au seuil de l’hôpital qu’elle n’a jamais passé, et qu’elle franchit en tremblant, son petit paquet à la main, déjà grande et jolie, hélas ! d’autant plus exposée, elle va… vers quelle destinée ? Dieu le sait.

Non, elle n’ira pas ; la bonne fée qui lui sert de marraine trouvera moyen de l’empêcher. Si notre orphelinat a une vie demi-rurale, vit un peu de l’aiguille, un peu de jardinage, la charge n’est pas forte pour la maison de garder quelque peu une jeune fille adroite et qui sait travailler. Elle se nourrira elle-même. Pendant ce temps, la dame l’achèvera, la cultivera, lui donnera un complément d’éducation, qui la rendra très-mariable, désirable au bon travailleur, ouvrier, marchand ou fermier. Combien il y a plus de sûreté pour eux de prendre là, dans une telle maison et de ces mains respectées, une fille élevée justement pour s’associer à la vie de travail ! N’ayant pas eu de foyer, de famille, elle goûtera d’autant plus le chez soi, et sera tout heureuse, même dans une condition très-pauvre, plus gaie cent fois et plus charmante que la fille gâtée qui croit toujours faire grâce, n’est jamais contente de rien. Nos bons fermiers, en ce moment, ont peine à trouver des bourgeoises, ou, s’ils en trouvent, elles les ruinent. Elles visent plus haut, veulent épouser un habit noir,