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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/189

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MON JOURNAL.


terre de pensées divines. Et c’était aussi, à travers l'embrasement des nuées, percées, trouées, déchirées de sillages lumineux, comme une mêlée d’âmes bienheureuses. Elles semblaient sortir des ténèbres de cette vie mortelle et s’élancer, transfigurées par les clartés éternelles, aux sources mêmes de la vérité. Je fus près de tomber à genoux.

La seconde fois, c’était à la fin d’août et le matin, vers cinq heures. Au milieu de la nuit un grand orage avait éclaté. Il finissait. De lourdes vapeurs cuivrées traînaient à l’horizon. J’étais au niveau du quai sur les terrains vagues qui s’étendent à la droite de la maison du docteur Duchemin. De ce lieu bas, je voyais le Panthéon trôner fièrement sur sa montagne. Autour de lui, nulle fantasmagorie. Rien des ors chauds, ruisselants, et de la pourpre du soir ; rien non plus du rayonnement divin qui m’avait saisi d’un religieux transport.

Les orages du matin ont cela de particulier, qu’ils semblent plutôt faire éclater sur la terre les mauvais songes conçus par la Nature dans les ténèbres de la nuit.

Cette fois, la scène était concentrée tout entière sous la coupole du temple. On la voyait s’éclairer de moment en moment de froides lueurs auxquelles le soleil semblait rester étranger. On eût