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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/268

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MON JOURNAL.


fille regrettée de sa mère. Émotion bien naturelle quand on songe à son malheur. J’ai pourtant souffert de son indifférence. Il me semble toujours que ceux dont je suis aimé, devraient partager mes joies, mes peines et surtout mes regrets. C’est une grande amertume, que la perte de mon illusion me vienne d’une personne si chère !

Au milieu de mes occupations, je sentais mon cœur si lourd des larmes qui ne pouvaient couler, que je suis retourné ce soir près de lui. Jamais le cimetière ne m’avait paru si triste. Le ciel était couvert, la campagne grise et morne. Les hauteurs seules de Bicêtre, éclairées d’un pâle reflet du couchant, semblaient venir à moi. Pour la première fois, j’ai pu apercevoir sa maison et même la porte dont j’ai si souvent franchi le seuil. A cette vue, oubliant qu’il était à deux pas derrière moi, j’ai laissé échapper tout haut cette exclamation de douleur : « Cher ami ! cher enfant ! n’es-tu pas encore là-bas ?... » Le sentiment de ma solitude m’écrasait. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mardi 7. — J’aime ce mot qu’on entend fréquemment dans la rue pour exprimer la franchise d’un homme : « Il a le cœur sur la main ». Il est encore vrai qu’à la manière dont un ami ou une femme vous serre la main, vous sentez immédiatement ce que son cœur peut donner. En