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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/269

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MON JOURNAL.


réalité, il y a deux sortes de mains : l'une sèche, dure au toucher, véritable main de bois aussi impersonnelle que le serait celle d’un mannequin mise en mouvement par un ressort ; — l’autre, souple, humaine, qu’une vie généreuse anime de sa chaleur et qu’il suffît de retenir un instant, pour que l'échange des pensées et des sentiments soit complet. Elle entend vous parler par sa pression silencieuse, et en effet, elle a dit tout. Et le cœur aussi, a passé dans cette étreinte. Vous le sentez à la douce chaleur que garde votre main.

J’aime à voir sur les tombeaux, pour toute épitaphe et expression de l'éternelle union des âmes à travers les vies futures ; deux mains enlacées.

Jeudi 9. — Longue promenade au bois de Vincennes avec mon ours. J’avais trop de choses à lui dire. Et d’abord, sur le livre que je voudrais faire, dont j’ai même esquissé le plan : Histoire d’une chaîne de causes et d’effets, en remontant de nos jours jusqu’à la création [1].

Tout en marchant et causant dans une allée assez retirée, nous nous amusions à recueillir les débris de plusieurs lettres d’amour. Nous les avons emportés pour faire chacun de notre côté l’histoire heureuse ou malheureuse des deux

  1. Voir le Journal des idées.