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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/274

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MON JOURNAL.


quelle fatalité du sort était-elle venue là ? Sans doute par l’abandon ?... Les hommes avaient dû lui promettre l'amour pour obtenir d’elle le plaisir. ... Non, ce n’était pas cela. Je lui faisais injure. Si ses mains étaient restées délicates, on voyait pourtant que le travail les avait durcies. Elle était morte victime de la pauvreté sans que le monde indifférent y prit garde, voilà tout.

« Le jour, qui avait peine à venir, tombait indécis sur son pâle visage. Il semblait dire dans sa douceur touchante : « J’étais résignée ». L’heure de la leçon approchait. La cour était maintenant pleine de voix, de rires. Je ne sais ce que j’aurais donné pour faire taire cette gaieté bruyante. La mort que je m’étais habitué à contempler d’un œil froid, était redevenue pour moi solennelle. J’aurais voulu qu’il se fit autour un silence religieux. Je m’éloignai un peu pour n’être pas surpris dans ce funèbre tête-à-tête par ces jeunes fous. Mais de cœur, à distance, je lui fis mon adieu : « Qui que tu sois, infortunée, si je t’avais connue, je t’aurais soignée, sauvée peut-être. ... Sois plainte au moins une fois !... »

« Neuf heures sonnaient à l'horloge de l’hospice. Au même moment, riant, chantant, gesticulant, mes camarades, tous à la fois, firent irruption.. La bande, m’apercevant immobile près de la fe-