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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/281

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MON JOURNAL.


faire. Sa pensée m’obsédait. J’ai pris Ovide et m’en suis bien trouvé, comme aussi, de quelques visites de charité. Cela vaut mieux que de l'amour. Hier, j’ai passé toute ma journée à faire des extraits de Laromiguière. En travaillant ainsi avec suite, j’échappe un peu à mon tourment. Malgré tout ce qui m’accable, je n’ose ajourner ma pauvre maîtresse d’anglais. Elle a si grand besoin de ses leçons ! Nous avons lu ensemble un peu de Sternece qui m’a fait grand plaisir. La page où le souvenir d’Élisa le décide à ne pas aller à Bruxelles m’a vivement touché : Fountain of happiness.

Ce qu’il faudrait écarter surtout, ce sont les visites des désœuvrés. Ils me font perdre beaucoup de temps. Mon ours lui, reste dans sa tanière. Il est comme moi surmené. Je l’ai vu hier. Il m’a conté la bonne réception du directeur de Sainte-Barbe [1]. Il craint que ce ne soit le legs du chanoine Sédillo à Gil-Blas [2]

Mardi 28. — Huit jours de travail acharné. La

  1. Henri Nicolle, frère du recteur.
  2. « Le chanoine, devant Dieu soit son âme ! pour m’engager à me souvenir de lui toute ma vie, s’expliquait ainsi sur mon compte par un article de son testament : « Item. Puisque Gil Blas est un garçon qui a déjà de la littérature, pour achever de le rendre savant, je lui laisse ma bihliothéque, tous mes livres et mes manuscrits, sans aucune exception ».

    « ... Il y avait dans la maison quelques papiers, avec cinq ou six volumes, sur deux petits ais de sapin dans le cabinet de mon maître : c’était là mon legs ! Encore les livres ne pouvaient-ils m’être d’aucune utilité. »

    (Gil Blas, liv. II, chap. II.)