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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/286

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MON JOURNAL.


couchant restait voilé de noir. Mon pauvre ami ! Siccine dividit amara mors !

En rentrant, j’ai trouvé Poret qui venait s’entendre avec moi pour le concours et me donner rendez-vous. J’avais l'âme si sombre, si pleine d’une tristesse amère, que je me suis livré à lui tout entier. Il n’a témoigné aucune surprise. « J’avais bien prévu, m’a-t-il dit, ce qui arriverait. L’amour non satisfait s’alimente de ses privations. Tu n’étais point guéri ; j’en aurais juré à ta sagesse. En retrouvant Thérèse tu devais être repris tout entier. » — « Oui, lui ai-je répondu, et que ce soit sans espoir, voilà ce qui empoisonne la blessure. Rassure-toi pourtant ; je tiendrai la promesse que je me suis faite de ne point la revoir. L’avenir ressemblera au passé. Je ne courrai jamais après la femme d’un autre. Ce n’est pas seulement ma droiture qui y répugne, c’est aussi mon égoïsme, un égoïsme jaloux. Je veux avoir mon bien à moi seul, tout entier, sans de honteux partages. Le courant rapide de pensées, d’action dans lequel je serai bientôt emporté, ne me laissera plus guère le loisir de songer à ma souffrance. Et Dieu fera le reste pour ma guérison. »


Lundi 3. — Commencement des examens. Composition en dissertation latine. Grande chaleur ! grande fatigue !