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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/72

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MON JOURNAL.


que physiquement, je le remarquais ce matin, est cent fois plus joyeuse que celle des hommes qui pensent.


MICHELET A POINSOT.


Mercredi 31 mai.


Je prends la plume pour toi, cher ami, sans trop savoir ce que j’ai à te dire ; mais je sens que j’ai besoin d’écrire et de t’écrire.

J’examine l’exposition de la fenêtre de mon cabinet ou plutôt du tien, — car nous disons toujours le cabinet de Poinsot [1], — et je crois que la ligne droite mènerait à la barrière Fontainebleau, d’où l’on voit Bicêtre. On ne le voit pas d’ici, et d’ailleurs, la fenêtre de ta chambre étant exposée comme la mienne, tu me tournes le dos. Que fais-tu, mon ami ? Lis-tu Condillac ? suis-tu dans son livre, tenui deducto filo, ou bien, tiens-tu dans tes mains des os de mort et passes-tu, malgré toi, de l’ostéologie aux réflexions qu’elle inspire : la brièveté de la vie, le monde meilleur qui vient ensuite, et Dieu ?... Peut-être, sans élever si haut tes pensées, songes-tu, tout bonnement,

  1. C’était la bibliothèque de Sedaine. Voir Ma Jeunesse, page 379.