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Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/73

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MON JOURNAL.


que de l'autre côté de l'eau, un ami s’ennuie du mauvais temps qui l'empêche d’aller te voir et lui écris-tu pour t’en consoler ?

Le temps, en effet, crève de pluie ; un rayon de soleil qui perce, je ne sais comment, cet entassement de nuages d’une vilaine couleur de suie, éclaire là-bas l'horizon, sans l’égayer, La verdure n’est plus rafraîchie par ces lourdes averses, elle en est accablée, noyée. Cette tristesse de toute la nature — les oiseaux de mon jardin se plaignent pour leurs nids — me replie sur moi-même ; je rentre dans mes pensées favorites. Elles ne sont ni gaies, ni bien neuves ; mais je sais que je t’intéresserai toujours.

En m’examinant, je me dis que je n’ai pas encore vingt-deux ans, et que déjà j’ai dû mourir à l’amour, qu’il a fallu me murer. Tu voudrais pour moi le mariage. En pareil cas, de deux choses Tune : ou la personne que l’on épouse entre dans toutes vos pensées, confond sa vie avec la vôtre et alors, l’on ne fait plus qu’un ; ou bien, elle est seulement capable de nous donner la paix domestique par sa sagesse, la simplicité de ses goûts et de nous permettre de rester pauvre. La personne à laquelle tu penses, me vaudrait cela peut-être, mais elle me ressemble trop peu pour espérer goûter avec elle les joies de l’amour dans le mariage.