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DÉCADENCE DE L’EMPIRE

trer la cité, de répartir l’impôt à leurs risques et périls ; tout ce qui manque est à leur compte[1]. Ils ont l’honneur de payer à l’empereur l’aurum coronarium. Ils sont l’amplissime sénat de la cité, l’ordre très illustre de la curie[2]. Toutefois ils sentent si peu leur bonheur, qu’ils cherchent sans cesse à y échapper. Le législateur est obligé d’inventer tous les jours des précautions nouvelles pour fermer, pour barricader la curie. Étranges magistrats, que la loi est obligée de garder à vue, pour ainsi dire, et d’attacher à leur chaise curule[3]. Elle leur interdit de s’absenter, d’habiter la campagne, de se faire soldats, de se faire prêtres ; ils ne peuvent entrer dans les ordres qu’en laissant leur bien à quelqu’un qui veuille bien être curiale à leur place. La loi ne les ménage pas : « Certains hommes lâches et paresseux désertent les devoirs de citoyens, etc., nous ne les libérerons qu’autant qu’ils mépriseront leur patrimoine. Convient-il que des esprits occupés de la contemplation divine conservent de l’attachement pour leurs biens ?… »

L’infortuné curiale n’a pas même l’espoir d’échapper par la mort à la servitude. La loi poursuit même ses fils. Sa charge est héréditaire. La loi exige qu’il se marie, qu’il lui engendre et lui élève des victimes.

  1. Aussi ne disposent-ils pas librement de leur bien. Ils ne peuvent vendre sans autorisation. (Code Théodosien.) Le curiale qui n’a pas d’enfants ne peut disposer par testament que du quart de ses biens. Les trois autres quarts appartiennent à la curie.
  2. Toutefois la loi est bonne et généreuse ; elle ne ferme la curie ni aux juifs ni aux bâtards. « Ce n’est point une tache pour l’ordre, parce qu’il lui importe d’être toujours au complet. » (Cod. Théod.)
  3. App. 26.