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GAULE CHRÉTIENNE

puissance indépendante entre les Goths déjà établis au Midi, et les Francs qui vont venir du Nord ; à cette époque, dis-je, la Gaule réclame aussi une existence indépendante dans la sphère de la pensée. Elle prononce par la bouche de Pélage ce grand nom de la Liberté humaine que l’Occident ne doit plus oublier.

Pourquoi y a-t-il du mal au monde ? Voilà le point de départ de cette dispute[1]. Le manichéisme oriental répond : Le mal est un dieu, c’est-à-dire un principe inconnu. C’est ne rien répondre, et donner son ignorance pour explication. Le christianisme répond : Le mal est sorti de la liberté humaine, non pas de l’homme en général, mais de tel homme, d’Adam, que Dieu punit dans l’humanité qui en est sortie.

Cette solution ne satisfit qu’incomplètement les logiciens de l’école d’Alexandrie. Le grand Origène en souffrit cruellement. On sait que ce martyr volontaire, ne sachant comment échapper à la corruption innée de la nature humaine, eut recours au fer et se mutila. Il est plus facile de mutiler la chair que de mutiler la volonté. Ne pouvant se résigner à croire qu’une faute dure dans ceux qui ne l’ont pas commise, ne voulant point accuser Dieu, craignant de le trouver auteur du mal, et de rentrer ainsi dans le manichéisme, il aima mieux supposer que les âmes avaient péché dans une existence antérieure, et que les hommes étaient des anges tombés[2]. Si chaque homme est responsable pour lui-même, s’il est l’au-

  1. App. 35.
  2. App. 36.