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HISTOIRE DE FRANCE

époux[1] ; pleurer à l’irlandaise (to weep irish), c’est chez eux un mot de dérision. Pleurez, pauvre Irlande, et que la France pleure aussi en voyant à Paris, sur la porte de la maison qui reçoit vos enfants, cette harpe qui demande secours. Pleurons de ne pouvoir leur rendre le sang qu’ils ont versé pour nous. C’est donc en vain que quatre cent mille Irlandais ont combattu en moins de deux siècles dans nos armées[2]. Il faut que nous assistions sans mot dire aux souffrances de l’Irlande. Ainsi nous avons depuis longtemps négligé, oublié les Écossais, nos anciens alliés. Cependant les montagnards d’Écosse auront tout à l’heure disparu du monde[3]. Les hautes terres se dépeuplent tous les jours. Les grandes propriétés qui perdirent Rome, ont aussi dévoré l’Écosse[4]. Telle terre a quatre-vingt-seize milles carrés, une autre vingt mille de long sur trois de large. Les Highlanders ne seront bientôt plus que dans l’histoire et dans Walter Scott. On se met sur les portes à Édimbourg quand on

  1. Logan. C’est une improvisation en vers sur les vertus du mort. À la fin de chaque stance, un chœur de femmes pousse un cri plaintif. Dans les cantons éloignés d’Irlande, on s’adresse au mort et on lui reproche d’être mort, quoiqu’il eût une bonne femme, une vache à lait, de beaux enfants, et sa suffisance de pommes de terre.
  2. App. 61.
  3. Logan : « Aujourd’hui les montagnards d’Écosse sont obligés, par la misère, d’émigrer ; les terres se changent partout en pâturages ; les régiments peuvent à peine s’y lever. Le piobrach peut sonner : les guerriers n’y répondront pas. »
  4. Latifundia perdidere Italiam. (Pline.) — En Écosse, les lairds se sont approprié les terres de leurs clans ; ils ont converti leur suzeraineté en propriété. — En Bretagne, au contraire, beaucoup de fermiers qui tenaient la terre à titre de domaine congéable, sont devenus propriétaires ; les anciens propriétaires ont été dépouillés comme seigneurs féodaux.