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MONDE GERMANIQUE

nous a laissé le curieux tableau d’une maison romaine occupée par les barbares. Il représente ceux-ci comme incommodes et grossiers, mais point du tout méchants : « À qui demandes-tu un hymne pour la joyeuse Vénus ? À celui qu’obsèdent les bandes à la longue chevelure, à celui qui endure le jargon germanique, qui grimace un triste sourire aux chants du Burgunde repu ; il chante, lui, et graisse ses cheveux d’un beurre rance… Homme heureux ! tu ne vois pas avant le jour cette armée de géants qui viennent vous saluer, comme leur grand-père ou leur père nourricier. La cuisine d’Alcinoüs ne pourrait y suffire. Mais c’est assez de quelques vers, taisons-nous. Si on allait y voir une satire… ? »

Les Germains, établis dans l’Empire du consentement de l’empereur, ne restèrent pas tranquilles dans la possession des terres qu’ils avaient occupées. Ces mêmes Huns, qui autrefois avaient forcé les Goths de passer le Danube, entraînèrent les autres Germains demeurés en Germanie, et tous ensemble ils passèrent le Rhin. Voilà le monde barbare déchiré sous ses deux formes. La bande, déjà établie sur le sol de la Gaule, et de plus en plus gagnée à la civilisation romaine[1], l’adopte, l’imite et la défend. La tribu, forme primitive et antique, restée plus près du génie de l’Asie, suit par troupeaux la cavalerie asiatique, et vient demander une part dans l’Empire à ses enfants qui l’ont oubliée.

  1. App. 71.