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HISTOIRE DE FRANCE

C’est une particularité remarquable dans notre histoire que les deux grandes invasions de l’Asie en Europe, celle des Huns au cinquième siècle, et celle des Sarrasins au huitième, aient été repoussées en France. Les Goths eurent la part principale à la première victoire, les Francs à la seconde.

Malheureusement il est resté une grande obscurité sur ces deux événements. Le chef de l’invasion hunnique, le fameux Attila, apparaît dans les traditions moins comme un personnage historique que comme un mythe vague et terrible, symbole et souvenir d’une destruction immense. Son vrai nom oriental, Etzel[1], signifie une chose puissante et vaste, une montagne, un fleuve, particulièrement le Volga, ce fleuve immense qui sépare l’Asie de l’Europe. Tel aussi paraît Attila dans les Niebelungen, puissant, formidable, mais indécis et vague ; rien d’humain, indifférent, immoral comme la nature, avide comme les éléments[2], absorbant comme l’eau ou le feu.

On douterait qu’il eût existé comme homme, si tous les auteurs du cinquième siècle ne s’accordaient là-dessus, si Priscus ne nous disait avec terreur qu’il l’a vu en face, et ne nous décrivait la table d’Attila. Et dans l’histoire aussi elle est terrible cette table, quoiqu’on n’y trouve pas, comme dans les Niebelungen, les funérailles de toute une race. Mais c’est un grand spectacle d’y voir à la dernière place, après les chefs des dernières peuplades barbares, siéger les tristes

  1. App. 72.
  2. App. 73.