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HISTOIRE DE FRANCE

du Nord et de l’Orient. C’est une épouvantable bataille de tout le monde asiatique, romain, germanique. Il y reste près de trois cent mille morts. Attila, menacé de se voir forcé dans son camp, élève un immense bûcher formé de selles de chevaux, s’y place la torche à la main, tout prêt à y mettre le feu.

Il y a une chose terrible dans ce récit, et qu’on ne peut guère révoquer en doute : des deux côtés, c’étaient pour la plupart des frères, Francs contre Francs, Ostrogoths contre Wisigoths[1]. Après une si longue séparation, ces tribus se retrouvaient pour se combattre et pour s’égorger. C’est ce que les chants germaniques ont exprimé d’une manière bien touchante dans les Niebelungen, quand le bon markgraf Rüdiger attaque, pour obéir à l’épouse d’Attila, les Burgundes qu’il aime, quand il verse de grosses larmes, et qu’en combattant Hagen il lui prête son bouclier[2]. Plus pathétique encore est le chant d’Hildebrand et Hadubrand : le père et le fils, séparés depuis bien des années, se rencontrent au bout du monde ; mais le fils ne reconnaît point le père, et celui-ci se voit dans la nécessité de périr ou de tuer son fils[3].

Attila s’éloignait, et l’Empire ne pouvait profiter de

  1. Du côté des Romains étaient les Wisigoths et leur roi Théodoric ; du côté des Huns, les Ostrogoths et les Gépides. Un Ostrogoth tua Théodoric.
  2. Je te donnerais volontiers mon bouclier,
    Si j’osais te l’offrir devant Chriemhild…
    N’importe ! prends-le, Hagen, et porte-le à ton bras.
    Ah ! puisses-tu le porter jusque chez vous, jusqu’à la terre des Burgundes.

  3. App. 76.