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MÉROVINGIENS

celles qu’il peut contracter ou seulement concevoir ; elle embrasse non seulement le présent, mais l’avenir ; l’homme vit sur mille points où il n’habite pas, dans mille moments qui ne sont pas encore ; et si ce développement de sa vie lui est retranché, s’il est forcé de s’enfermer dans les étroites limites de son existence matérielle et actuelle, de s’isoler dans l’espace et le temps, la vie sociale est mutilée, elle n’est plus.

« C’était là l’effet des invasions, de ces apparitions des bandes barbares, courtes, il est vrai, et bornées, mais sans cesse renaissantes, partout possibles, toujours imminentes. Elles détruisaient : 1o toute correspondance régulière, habituelle, facile entre les diverses parties du territoire ; 2o toute sécurité, toute perspective d’avenir ; elles brisaient les liens qui unissent entre eux les habitants d’un même pays, les moments d’une même vie ; elles isolaient les hommes, et pour chaque homme, les journées. En beaucoup de lieux, pendant beaucoup d’années, l’aspect du pays put rester le même, mais l’organisation sociale était attaquée, les membres ne tenaient plus les uns aux autres, les muscles ne jouaient plus, le sang ne circulait plus librement ni sûrement dans les veines ; le mal éclatait tantôt sur un point, tantôt sur l’autre : une ville était pillée, un chemin rendu impraticable, un pont rompu ; telle ou telle communication cessait, la culture des terres devenait impossible dans tel ou tel district : en un mot l’harmonie organique, l’activité générale du corps social étaient chaque jour entra-