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DISSOLUTION DE L’EMPIRE CARLOVINGIEN

eût voulu sans doute le retenir. Comme Pélage, dont il relève, comme Origène, leur maître commun, il attesta moins l’autorité que la raison elle-même ; il admit la foi, mais comme commencement de la science. Pour lui, l’Écriture est simplement un texte livré à l’interprétation ; la religion et la philosophie sont le même mot[1]. Il est vrai qu’il ne défendait la liberté contre le prédestinianisme de Gotteschalk que pour l’absorber et la perdre dans le panthéisme alexandrin. Toutefois, la violence avec laquelle Rome attaqua Jean-le-Scot prouve assez combien sa doctrine effraya l’autorité. Disciple du Breton Pélage, prédécesseur du Breton Abailard, cet Irlandais marque à la fois la naissance de la philosophie et la rénovation du libre génie celtique contre le mysticisme de l’Allemagne.

Au même moment où la philosophie essayait ainsi de s’affranchir du despotisme théologique, le gouvernement temporel des évêques était convaincu d’impuissance. La France leur échappait ; elle avait besoin de mains plus fortes et plus guerrières pour la défendre des nouvelles invasions barbares. À peine débarrassée des Allemands qui l’avaient si longtemps gouvernée, elle se trouvait faible, inhabile, administrée, défendue par des prêtres ; et cependant arrivaient par tous ses fleuves, par tous ses rivages, d’autres Germains, bien autrement sauvages que ceux dont elle était délivrée.

Les incursions de ces brigands du Nord (Northmen)

  1. Jean Érigène : « La vraie philosophie est la vraie religion, et réciproquement la vraie religion est la vraie philosophie. » — App. 175.