active de la population (un million de familles, dont cinq millions d’individus ?) que tomba lourdement d’aplomb l’écrasement du Visa. Ceux qui n’avaient ni rentes ni actions, ceux qui spéculaient le moins, avaient reçu malgré eux en payement et de mille manières, des papiers de toute sorte, spécialement les papiers-monnaie qui avaient cours forcé. Au Visa, tout fondit. Ils se trouvèrent n’avoir presque rien dans les mains. Mais ce peu, mais ce rien, ils croyaient au moins le toucher. Point du tout. Ce débris de débris, ils ne l’auront pas même. Ils pourraient le manger. L’État est soucieux de le leur conserver ; il ne leur en fait que la rente. Une rente minime à un taux misérable. Une rente peu sûre après tant de réductions, que nul ne voudrait acheter. Après tant de rudes coups, c’en est fait de la foi publique.
Rude aussi et terrible l’effet de tout cela sur la moralité, et, ce qui est plus fort, sur la raison, sur le bon sens. Les tètes sont fortement ébranlées par la grandeur d’un tel naufrage. Il en résulte un effet singulier qu’on croirait un trait de folie. Moins on a, et plus on dépense. C’est qu’on ne compte plus, on ne songe plus à rien équilibrer. Chacun joue de son reste. Et ce n’est plus, ce semble, au plaisir que l’on court (comme dans les premières années de la Régence), c’est à l’étourdissement, à l’oubli, au suicide. Ce qui reste, force, vie, fortune, on a hâte de l’exterminer. En Provence, on l’a vu, la peste fut galante et luxurieusement effrénée. Même effet à Paris pour l’autre peste, la débâcle des fortunes. Les sur-