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ONZIÈME SIÈCLE

laïques, il fallait qu’elle cessât d’être laïque elle-même, qu’elle recouvrât sa force par la vertu de l’abstinence et des sacrifices, qu’elle se plongeât dans les froides eaux du Styx, qu’elle se trempât dans la chasteté. C’est par là que commença le moine. Déjà sous les deux papes qui le précédèrent au pontificat, il fit déclarer qu’un prêtre marié n’était plus prêtre. Là-dessus grande rumeur : ils s’écrivent, ils se liguent, enhardis par leur nombre, ils déclarent hautement qu’ils veulent garder leurs femmes. Nous quitterons plutôt, dirent-ils, nos évêchés, nos abbayes, nos cures ; qu’il garde ses bénéfices. Le réformateur ne recula pas ; le fils du charpentier n’hésita pas à lâcher le peuple contre les prêtres. Partout la multitude se déclara contre les pasteurs mariés, et les arracha de l’autel. Le peuple une fois débridé, un brutal instinct de nivellement lui fit prendre plaisir à outrager ce qu’il avait adoré, à fouler aux pieds ceux dont il baisait les pieds, à déchirer l’aube et briser la mitre. Ils furent battus, souffletés, mutilés dans leurs cathédrales ; on but leur vin consacré, on dispersa leurs hosties. Les moines poussaient, prêchaient ; un hardi mysticisme s’infiltrait dans le peuple ; il s’habituait à mépriser la forme, à la briser comme pour en dégager l’esprit. Cette épuration révolutionnaire de l’Église lui communiqua un immense ébranlement. Les moyens furent atroces. Le moine Dunstan avait fait mutiler la femme ou concubine du roi d’Angleterre. Pietro Damiani, l’anachorète farouche, courut l’Italie au milieu des menaces et des malédictions, sans souci de sa vie, dévoilant avec un pieux