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HISTOIRE DE FRANCE

On y lisait naguère encore les noms des conquérants, gravés sur des tables ; c’est le Livre d’or de la noblesse d’Angleterre. Harold fut enterré par les moines sur cette colline, en face de la mer. « Il gardait la côte, dit Guillaume, qu’il la garde encore. »

Le Normand s’y prit d’abord avec quelque douceur et quelques égards pour les vaincus. Il dégrada un des siens qui avait frappé de son épée le cadavre d’Harold ; il prit le titre de roi des Anglais ; il promit de garder les bonnes lois d’Édouard-le-Confesseur ; il s’attacha Londres, et confirma les privilèges des hommes de Kent. C’était le plus belliqueux des comtés, celui qui avait l’avant-garde dans l’armée anglaise, celui où les vieilles libertés celtiques s’étaient le mieux conservées. Lorsque Lanfranc, le nouvel archevêque de Kenterbury, réclama contre la tyrannie du frère de Guillaume, les privilèges des hommes de Kent, il fut écouté favorablement du roi. Le conquérant essaya même d’apprendre l’anglais[1], afin de pouvoir rendre bonne justice aux hommes de cette langue. Il se piquait d’être justicier, jusqu’à déposer son oncle d’un archevêché pour une conduite peu édifiante. Cependant il fondait une garde de châteaux, et s’assurait de tous les lieux forts.

Peut-être Guillaume n’eût-il pas mieux demandé que de traiter les vaincus avec douceur. C’était son intérêt. Il n’eût été que plus absolu en Normandie. Mais ce n’était pas le compte de tant de gens auxquels il avait

  1. App. 62.