Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
HISTOIRE DE FRANCE

accomplirent, dans le onzième siècle, ce rude pèlerinage. L’empressement augmentait avec le péril ; seulement les pèlerins se mettaient en plus grandes troupes. En 1054, l’évêque de Cambrai tenta le voyage avec trois mille Flamands et ne put arriver. Treize ans après les évêques de Mayence, de Ratisbonne, de Bamberg et d’Utrecht s’associèrent à quelques chevaliers Normands, et formèrent une petite armée de sept mille hommes. Ils parvinrent à grand’peine, et deux mille tout au plus revirent l’Europe. Cependant les Turcs, maîtres de Bagdad et partisans de son calife, s’étant emparés de Jérusalem, y massacrèrent indistinctement tous les partisans de l’incarnation, Alides et chrétiens. L’empire grec, resserré chaque jour, vit leur cavalerie pousser jusqu’au Bosphore, en face de Constantinople. D’autre part les Fatemites tremblaient derrière les remparts de Damiette et du Caire. Ils s’adressèrent, comme les Grecs, aux princes de l’Occident. Alexis Comnène était déjà lié avec le comte de Flandre, qu’il avait accueilli magnifiquement à son passage ; ses ambassadeurs célébraient avec le génie hâbleur des Grecs les richesses de l’Orient, les empires, les royaumes qu’on pouvait y conquérir ; les lâches allaient jusqu’à vanter la beauté de leurs filles et de leurs femmes[1], et semblaient les promettre aux Occidentaux.

Tous ces motifs n’auraient pas suffi pour émouvoir le peuple et lui communiquer cet ébranlement profond

  1. Guibert de Nogent.