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LA CROISADE

qui le porta vers l’Orient. Il y avait déjà longtemps qu’on lui parlait de guerres saintes. La vie de l’Espagne n’était qu’une croisade ; chaque jour on apprenait quelque victoire du Cid, la prise de Tolède ou de Valence, bien autrement importantes que Jérusalem. Les Génois, les Pisans, conquérants de la Sardaigne et de la Corse, ne poursuivaient-ils pas la croisade depuis un siècle ? Lorsque Sylvestre II écrivit sa fameuse lettre au nom de Jérusalem, les Pisans armèrent une flotte, débarquèrent en Afrique et y massacrèrent, dit-on, cent mille Maures. Toutefois, l’on sentait bien que la religion était pour peu de chose dans tout cela. Le danger animait les Espagnols, l’intérêt les Italiens. Ces derniers imaginèrent plus tard de couper court à toute croisade de Jérusalem, de détourner et d’attirer chez eux tout l’or que les pèlerins portaient dans l’Orient ; ils chargèrent leurs galères de terre prise en Judée, rapprochèrent ce qu’on allait chercher si loin, et se firent une Terre-Sainte dans le Campo-Santo de Pise.

Mais on ne pouvait donner ainsi le change à la conscience religieuse du peuple, ni le détourner du saint tombeau. Dans les extrêmes misères du moyen âge, les hommes conservaient des larmes pour les misères de Jérusalem. Cette grande voix qui en l’an 1000 les avait menacés de la fin du monde se fit entendre encore, et leur dit d’aller en Palestine pour s’acquitter du répit que Dieu leur donnait. Le bruit courait que la puissance des Sarrasins avait atteint son terme. Il ne s’agissait que d’aller devant soi par la grande route