détesté ne pouvait manquer d’être un tyran. Aux Saxons il lançait des lois terribles, sans mesure et sans pitié. Contre les Normands, il y fallait plus de précautions ; il appelait sans cesse des soldats du continent, des Flamands, des Bretons ; gens à lui, d’autant plus redoutables à l’aristocratie normande, qu’ils se rapprochaient par la langue, les Flamands des Saxons, les Bretons des Gallois. Plusieurs fois il n’hésita pas à se servir des Saxons eux-mêmes[1]. Mais il y renonçait bientôt. Il n’eût pu devenir le roi des Saxons qu’en renversant tout l’ouvrage de la conquête.
Voilà la situation où se trouva déjà le fils du Conquérant, Guillaume-le-Roux : bouillant d’une tyrannie impatiente, qui rencontrait partout sa limite ; terrible aux Saxons, terrible aux barons ; passant et repassant la mer ; courant, avec la roideur d’un sanglier, d’un bout à l’autre de ses États ; furieux d’avidité, merveilleux marchand de soldats[2], dit le chroniqueur ; destructeur rapide de toute richesse ; ennemi de l’humanité, de la loi, de la nature, l’outrageant à plaisir ; sale dans les voluptés, meurtrier, ricaneur et terrible. Quand la colère montait sur son visage rouge et couperosé, sa parole se brouillait, il bredouillait des arrêts de mort. Malheur à qui se trouvait en face !
Les tonnes d’or passaient comme un schelling. Une pauvreté incurable le travaillait ; il était pauvre de