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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

Aussi toutes les races vaincues soutinrent l’évêque de Kent avec courage et fidélité. Sa lutte pour la liberté fut imitée avec plus de timidité et de modération en Aquitaine par l’évêque de Poitiers[1], et plus tard dans le pays de Galles, par le fameux Giraud-le-Cambrien, auquel nous devons, entre autres ouvrages, une si curieuse description de l’Irlande[2]. Les Bas-Bretons étaient pour Becket. Un Gallois le suivit dans l’exil au péril de ses jours, ainsi que le fameux Jean de Salisbury[3]. Il semblerait que les étudiants gallois aient porté les messages de Becket ; car Henri II leur fit fermer les écoles, et défendre d’entrer nulle part en Angleterre sans son consentement.

Ce serait pourtant rétrécir ce grand sujet, que de n’y voir autre chose que l’opposition des races, de ne chercher qu’un Saxon dans Thomas Becket. L’archevêque de Kenterbury ne fut pas seulement le saint de l’Angleterre, le saint des vaincus, Saxons et Gallois, mais tout autant celui de la France et de la chrétienté. Son souvenir ne resta pas moins vivant chez nous que dans sa patrie. On montre encore la maison qui le reçut à Auxerre, et, en Dauphiné, une église qu’il y bâtit dans son exil. Aucun tombeau ne fut plus visité,

  1. App. 93.
  2. Élu évêque en 1176 par les moines de Saint-David, dans le comté de Pembroke (pays de Galles), et chassé par Henri II, qui mit à sa place un Normand ; réélu en 1198 par les mêmes moines, et chassé de nouveau par Jean-sans-Terre. Trop faiblement soutenu, il échoua dans sa lutte courageuse pour l’indépendance de l’Église galloise ; mais sa patrie lui en garda une profonde reconnaissance. « Tant que durera notre pays, dit un poète gallois, ceux qui écrivent et ceux qui chantent se souviendront de ta noble audace. »
  3. App. 95.