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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

que Grégoire VII avait soutenu, Alexandre III n’osa le reprendre ; il en avait bien assez de la lutte contre l’antipape, contre Frédéric-Barberousse, le conquérant de l’Italie. Ce pape était le chef de la ligue lombarde, un politique, un patriote italien ; il négociait, combattait, fuyait et revenait ; il animait les partis, provoquait des désertions, faisait des traités, fondait des villes. Il se serait bien gardé d’indisposer le plus grand roi de la chrétienté, je parle d’Henri II, lorsqu’il avait déjà contre lui l’empereur. Toute sa conduite avec Henri fut pleine de timides et honteux ménagements ; il ne cherchait qu’à gagner du temps par de misérables équivoques, par des lettres et des contre-lettres, vivant au jour le jour, ménageant l’Angleterre et la France, agissant en diplomate, en prince séculier, tandis que le roi de France acceptait le patronage de l’Église, tandis que Becket souffrait et mourait pour elle. Étrange politique, qui devait apprendre au peuple à chercher partout ailleurs qu’à Rome le représentant de la religion et l’idéal de la sainteté.

Dans cette grande et dramatique lutte, Becket eut à soutenir toutes les tentations, la terreur, la séduction, ses propres scrupules. De là, une hésitation dans les commencements, qui ressembla à la crainte. Il succomba d’abord dans l’assemblée de Clarendon, soit qu’il eût cru qu’on en voulait à sa vie, soit qu’il fût retenu encore par ses obligations envers le roi. Cette faiblesse est digne de pitié dans un homme qui pouvait être combattu entre deux devoirs. D’une part, il devait beaucoup à Henri, de l’autre, encore plus à son Église