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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

avaient dans ses États, firent entendre doucement à Becket qu’ils n’osaient plus le garder chez eux. Le roi de France, scandalisé de la lâcheté de ces moines, ne put s’empêcher de s’écrier : « O religion, religion, où es-tu donc ? Voilà que ceux que nous avons crus morts au siècle, bannissent en vue des choses du siècle l’exilé pour la cause de Dieu[1] ? »

Le roi de France lui-même finit par céder. Henri, dans la rage de sa passion contre Becket, s’était humilié devant le faible Louis, s’était reconnu son vassal, avait demandé sa fille pour son fils, et promis de partager ses États entre ses enfants[2]. Louis se porta donc pour médiateur ; il amena Becket à Montmirail en Perche, où se rendit le roi d’Angleterre. Des paroles vagues furent échangées, Henri réservant l’honneur du royaume, et l’archevêque l’honneur de Dieu. « Qu’attendez-vous donc ? dit le roi de France ; voilà la paix entre vos mains. » L’archevêque persistant dans ses réserves, tous les assistants des deux nations l’accusaient d’obstination. Un des barons français s’écria que celui qui résistait au conseil et à la volonté unanime des seigneurs des deux royaumes ne méritait plus d’asile. Les deux rois remontèrent à cheval sans saluer Becket, qui se retira fort abattu[3].

Ainsi furent complétés l’abandon et la misère de l’archevêque. Il n’eut plus ni pain ni gîte, et fut réduit

  1. Louis envoya au-devant de l’archevêque une escorte de trois cents hommes.
  2. A Montmirail, Henri se remit, lui, ses enfants, ses terres, ses hommes, ses trésors, à la discrétion de Louis.
  3. App. 94.