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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

comte de Champagne, l’avaient solennellement accusé par-devant le pape. L’archevêque de Sens, primat des Gaules, avait lancé l’excommunication. Ceux mêmes qui lui devaient le plus, s’éloignaient de lui avec horreur. Il apaisa la clameur publique à force d’hypocrisie. Ses évêques normands écrivirent à Rome que pendant trois jours il n’avait voulu ni manger ni boire : « Nous qui pleurions le primat, disaient-ils, nous avons cru que nous aurions encore le roi à pleurer. » La cour de Rome, qui d’abord avait affecté une grande colère, finit pourtant par s’attendrir. Le roi jura qu’il n’avait nulle part à la mort de Thomas ; il offrit aux légats de se soumettre à la flagellation ; il mit aux pieds du pape la conquête de l’Irlande, qu’il venait de faire ; il imposa, dans cette île, le denier de saint Pierre sur chaque maison, il sacrifia les constitutions de Clarendon, s’engagea à payer pour la croisade, à y aller lui-même quand le pape l’exigerait, et déclara l’Angleterre fief du saint-siège[1].

Ce n’était pas assez d’avoir apaisé Rome ; il eût été quitte à trop bon marché. Voilà bientôt après que son fils aîné, le jeune roi Henri, réclame sa part du royaume, et déclare qu’il veut venger la mort de celui qui l’a élevé, du saint martyr, Thomas de Kenterbury. Les motifs qu’alléguait le jeune prince pour revendiquer la couronne, paraissaient alors fort graves, quelque faibles qu’ils puissent sembler aujourd’hui. D’abord, le roi lui-même, en le servant à table au jour de son couronne-

  1. App. 96.