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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

par le roi de France, et surtout par la haine du joug étranger. Au douzième siècle, comme au neuvième, les guerres des fils contre le père ne firent que couvrir celles des races diverses qui voulaient s’affranchir d’une union contraire à leurs intérêts et à leur génie. La Guyenne, le Poitou, faisaient effort pour se détacher de l’empire anglais, comme la France de Louis-le-Débonnaire et de Charles-le-Chauve avait brisé l’unité de l’empire carlovingien.

La mobilité des Méridionaux, leurs révolutions capricieuses, leurs découragements faciles, donnaient beau jeu au roi Henri. Ils n’étaient point d’ailleurs soutenus par Toulouse, qui seule peut former le centre d’une grande guerre dans l’Aquitaine. La prudence leur défendait de renouveler des tentatives d’affranchissement qui tournaient à leur ruine. Mais c’était moins le patriotisme que l’inquiétude d’esprit, le vain plaisir de briller dans les guerres qui armait les nobles du Midi. On peut en juger par ce qui nous reste du plus célèbre d’entre eux, le troubadour Bertrand de Born. Son unique jouissance était de jouer quelque bon tour à son seigneur le roi Henri II, d’armer contre lui quelqu’un de ses fils, Henri, Geoffroi ou Richard ; puis, quand tout était en feu, d’en faire un beau sirvente dans son château de Hautefort, comme ce Romain qui, du haut d’une tour, chantait l’incendie au milieu de Rome embrasée. S’il y avait chance d’un peu de repos, vite ce démon du trouble lançait aux rois une satire qui les faisait rougir du repos, et les rejetait dans la guerre.