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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

moines. Personne plus que lui ne regarda avec respect et terreur les privilèges de l’Église[1]. Il révérait les prêtres et faisait passer devant lui le moindre clerc. Il faisait trois carêmes, égalant ou surpassant les austérités des moines. Protecteur de Thomas de Kenterbury, il risqua un voyage périlleux en Angleterre pour visiter le tombeau du saint. Que dis-je ? le roi de France n’était-il pas saint lui-même ? Philippe Ier, Louis-le-Gros, Louis VII, touchaient les écrouelles, et ne pouvaient suffire à l’empressement du simple peuple. Le roi d’Angleterre ne se serait pas avisé de revendiquer ainsi le don des miracles[2].

Aussi grandissait-il, ce bon roi de France, et selon Dieu et selon le monde. Vassal de Saint-Denis, depuis qu’il avait acquis le Vexin, il plaçait le drapeau de l’abbaye, l’oriflamme, à son avant-garde. Il avait mis dans ses armes la mystique fleur de lis, où le moyen âge croyait voir la pureté de sa foi. Comme protecteur des églises, il touchait la régale pendant les vacances, et s’essayait à imposer quelques sommes au clergé, sous prétexte de croisade.

Philippe-Auguste ne dégénéra pas. Sauf les deux époques de son divorce, et de l’invasion d’Angleterre,

  1. Comme il revenait d’un voyage (1154), la nuit le surprend à Créteil. Il s’y arrête, et se fait défrayer par les habitants, serfs de l’église de Paris. La nouvelle en étant venue aux chanoines, ils cessent aussitôt le service divin, résolus de ne le reprendre qu’après que le monarque aura restitué à leurs serfs de corps, dit Étienne de Paris, la dépense qu’il leur a occasionnée. Louis fit réparation, et l’acte en fut gravé sur une verge que l’église de Paris a longtemps conservée en mémoire de ses libertés.
  2. Les rois d’Angleterre ne s’attribuèrent ce pouvoir qu’après avoir pris le titre et les armes des rois de France.