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INNOCENT III

prêtres de professer le droit, et ne font qu’ouvrir l’enseignement aux laïques. La métaphysique d’Aristote arrive de Constantinople, tandis que ses commentateurs, apportés d’Espagne, vont être traduits de l’arabe par ordre des rois de Castille et des princes italiens de la maison de Souabe (Frédéric II et Manfred). Ce n’est pas moins que l’invasion de la Grèce et de l’Orient dans la philosophie chrétienne. Aristote prend place presque au niveau de Jésus-Christ[1]. Défendu d’abord par les papes, puis toléré, il règne dans les chaires. Aristote tout haut, tout bas les Arabes et les Juifs, avec le panthéisme d’Averroès et les subtilités de la kabbale. La dialectique entre en possession de tous les sujets, et se pose toutes les questions hardies. Simon de Tournay enseigne à volonté le pour et le contre. Un jour qu’il avait ravi l’école de Paris et prouvé merveilleusement la vérité de la religion chrétienne, il s’écria tout à coup : « O petit Jésus, petit Jésus, comme j’ai élevé ta loi ! Si je voulais, je pourrais encore mieux la rabaisser[2]. »

Telle est l’ivresse et l’orgueil du moi à son premier réveil. L’école de Paris s’élève entre les jeunes communes de Flandre et les vieux municipes du Midi, la logique entre l’industrie et le commerce.

Cependant un immense mouvement religieux éclatait dans le peuple sur deux points à la fois : le rationalisme vaudois dans les Alpes, le mysticisme allemand sur le Rhin et aux Pays-Bas.

  1. App. 102.
  2. Math. Paris : « Dieu le punit : il devint si idiot que son fils eut peine à lui faire rapprendre le Pater. »