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GUERRE DES ALBIGEOIS

que huit hommes et un seul chevalier. Plusieurs des partisans de Montfort s’étaient entendus pour attaquer uniquement le roi d’Aragon. L’un d’eux prit d’abord pour lui un des siens auquel il avait fait porter ses armes ; puis il dit : « Le roi est pourtant meilleur chevalier. » Don Pedro s’élança alors et dit : « Ce n’est pas le roi, le voici. » À l’instant ils le percèrent de coups.

Ce prince laissa une longue et chère mémoire. Brillant troubadour, époux léger ; mais qui aurait eu le cœur de s’en souvenir ? Quand Montfort le vit couché par terre et reconnaissable à sa grande taille, le farouche général du Saint-Esprit ne put retenir une larme.

L’Église semblait avoir vaincu dans le midi de la France comme dans l’empire grec. Restaient ses ennemis du Nord, les hérétiques de Flandre, l’excommunié Jean, et l’anti-César, Othon.

Depuis cinq ans (1208-1213), l’Angleterre n’avait plus de relations avec le saint-siège ; la séparation semblait accomplie déjà, comme au seizième siècle. Innocent avait poussé Jean à l’extrémité, et lancé contre lui un nouveau Thomas Becket. En 1208, précisément à l’époque où le pontife commençait la croisade du Midi, il en fit une sous forme moins belliqueuse contre le roi d’Angleterre, en portant un de ses ennemis a la primatie. L’archevêque de Kenterbury, chef de l’Église anglicane, était en outre, comme nous l’avons vu, un personnage politique. C’était bien plus que les comtes et les lieutenants du roi, le chef de la