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HISTOIRE DE FRANCE

à leurs tenanciers inférieurs. Ainsi, pour la première fois, l’aristocratie sentait qu’elle ne pouvait affermir sa victoire sur le roi qu’en stipulant pour tous les hommes libres. Ce jour-là l’ancienne opposition des vainqueurs et des vaincus, des fils des Normands et des fils des Saxons, disparut et s’effaça.

Quand on lui présenta cet acte, Jean s’écria : « Ils pourraient tout aussi bien me demander ma couronne[1]. » Il signa et tomba ensuite dans un horrible accès de fureur, rongeant la paille et le bois, comme une bête enfermée qui mord ses barreaux. Dès que les barons furent dispersés, il fit publier par tout le continent que les aventuriers brabançons, flamands, normands, poitevins, gascons, qui voudraient du service, pouvaient venir en Angleterre et prendre les terres de ses barons rebelles[2] ; il voulait refaire sur les Normands la conquête de Guillaume sur les Saxons. Il s’en présenta une foule. Les barons effrayés appelèrent les rois d’Écosse et de France. Le fils de celui-ci avait épousé Blanche de Castille, nièce de Jean. Mais cette princesse n’était pas l’héritière immédiate de son oncle, elle ne pouvait transmettre à son mari un droit qu’elle n’avait pas elle-même. Le pape intervenait d’ailleurs. Il trouvait que l’archevêque de Kenterbury avait été trop loin contre Jean. Il défendait au roi de France

  1. Il est dit dans la Grande Charte que si les ministres du roi la violent en quelque chose, il en sera référé au conseil des vingt-cinq barons. « Alors ceux-ci, avec la communauté de toute la terre, nous molesteront et poursuivront de toute façon : i. e. par la prise de nos châteaux, etc… » La consécration de la guerre civile, tel est le premier essai de garantie.
  2. Math. Paris.