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LOUIS IX

chevalier âgé de quatre-vingts ans. Peu de temps avant d’accoucher, elle s’agenouilla devant lui et lui requit un don, et le chevalier le lui octroya par son serment, et elle lui dit : « Je vous demande, par la foi que vous m’avez baillée, que si les Sarrasins prennent cette ville, que vous me coupiez la tête avant qu’ils me prennent », et le chevalier répondit : « Soyez certaine que je le ferai volontiers, car je l’avois bien pensé que je vous occirois avant qu’ils vous eussent pris[1]. »

Rien ne manquait au malheur et à l’humiliation de saint Louis. Les Arabes chantèrent sa défaite, et plus d’un peuple chrétien en fit des feux de joie. Il resta pourtant un an à la terre sainte pour aider à la défendre, au cas que les mameluks poursuivissent leur victoire hors de l’Égypte. Il releva les murs des villes, fortifia Césarée, Jaffa, Sidon, Saint-Jean d’Acre, et ne se sépara de ce triste pays que lorsque les barons de la terre sainte lui eurent eux-mêmes assuré que son séjour ne pouvait plus leur être utile. Il venait d’ailleurs de recevoir une nouvelle qui lui faisait un devoir de retourner au plus tôt en France. Sa mère était morte : malheur immense pour un tel fils qui, pendant si longtemps, n’avait pensé que par elle, qui l’avait quittée malgré elle pour cette désastreuse expédition, où il devait laisser sur la terre infidèle un de ses frères, tant de loyaux serviteurs, les os de tant de martyrs. La vue de la France elle-même ne put le consoler : « Si j’endurais seul la honte et le malheur,

  1. App. 129.