Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
436
HISTOIRE DE FRANCE

disait-il à un évêque, si mes péchés n’avaient pas tourné au préjudice de l’Église universelle, je me résignerais. Mais, hélas ! toute la chrétienté est tombée par moi dans l’opprobre et la confusion[1]. »

L’état où il retrouvait l’Europe n’était pas propre à le consoler. Le revers qu’il déplorait était encore le moindre des maux de l’Église ; c’en était un bien autre que cette inquiétude extraordinaire qu’on remarquait dans tous les esprits. Le mysticisme, répandu dans le peuple par l’esprit des croisades, avait déjà porté son fruit, l’enthousiasme sauvage de la liberté politique et religieuse. Ce caractère révolutionnaire du mysticisme, qui devait se produire nettement dans les jacqueries des siècles suivants, particulièrement dans la révolte des paysans de Souabe, en 1525, et des anabaptistes, en 1538, il apparut déjà dans l’insurrection des Pastoureaux[2], qui éclata pendant l’absence de saint Louis. C’étaient les plus misérables habitants des campagnes, des bergers surtout, qui, entendant dire que le roi était prisonnier, s’armèrent, s’attroupèrent, formèrent une grande armée, déclarèrent qu’ils voulaient aller le délivrer. Peut-être fut-ce un simple prétexte, peut-être l’opinion que le pauvre peuple s’était déjà formée de Louis, lui avait-elle donné un immense et vague espoir de soulagement et de délivrance. Ce qui est certain, c’est que ces bergers se montraient partout ennemis des prêtres et les massacraient ; ils conféraient eux-mêmes les sacrements. Ils reconnaissaient

  1. Math. Paris.
  2. App. 130.