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HISTOIRE DE FRANCE

ments du pouvoir ecclésiastique ; l’Église, acquérant toujours et ne lâchant rien, eût en effet tout absorbé à la longue. En 1246, le fameux Pierre Mauclerc forme, avec le duc de Bourgogne et les comtes d’Angoulême et de Saint-Pol, une ligue à laquelle accède une grande partie de la noblesse. Les termes de cet acte sont d’une extraordinaire énergie. La main des légistes est visible ; on croirait lire déjà les paroles de Guillaume de Nogaret[1].

Saint Louis s’associa, dans la simplicité de son cœur, à cette lutte des légistes et des seigneurs contre les prêtres, qui devait tourner à son profit[2] ; il s’associait avec la même bonne foi à celle des juristes contre les seigneurs. Il reconnut au suzerain le droit de retirer une terre donnée à l’Église.

Plongé à cette époque dans le mysticisme, il lui en

  1. « Attendu que la superstition des clercs (oubliant que c’est par la guerre et le sang répandu, sous Charlemagne et d’autres, que le royaume de France a été converti de l’erreur des gentils à la foi catholique) absorbe tellement la juridiction des princes séculiers, que ces fils de serfs jugent selon leur loi les libres et fils de libres, bien que, suivant la loi des premiers conquérants, ce soient eux plutôt que nous devrions juger… Nous tous grands du royaume, considérant attentivement que ce n’est pas par le droit écrit, ni par l’arrogance cléricale, mais par les sueurs guerrières qu’a été conquis le royaume… nous statuons que personne, clerc ou laïc, ne traîne à l’avenir qui que ce soit devant le juge ordinaire ou délégué, sinon pour hérésie, pour mariage et pour usure, à peine pour l’infracteur de la perte de tous ses biens et de la mutilation d’un membre ; nous avons envoyé à cet effet nos mandataires, afin que notre juridiction revive et respire enfin, et que ces hommes enrichis de nos dépouilles soient réduits à l’état de l’Église primitive, qu’ils vivent dans la contemplation, tandis que nous mènerons, comme nous le devons, la vie active, et qu’ils nous fassent voir des miracles que depuis si longtemps notre siècle ne connaît plus. » App. 136.
  2. En 1240, le pape ayant manifesté le projet de rompre les trêves conclues entre lui et Frédéric II, saint Louis, pour l’en empêcher, fait arrêter les subsides qu’il avait fait lever sur son clergé de France par son légat.