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HISTOIRE DE FRANCE

Innocent III écrit à Guillaume, comte de Forcalquier, une lettre, sans salut, pour l’exhorter à se croiser : « Si ad actus tuos Dominus hactenus secundum meritorum tuorum exigentiam respexisset, posuisset te ut rotam et sicut stipulam ante faciem venti, quinimo multiplicasset fulgura, ut iniquitatem tuam de superficie terræ deleret, et justus lavaret munus suas in sanguine peccatoris. Nos etiam et prædecessores nostri… non solum in te (sicut fecimus) anathematis curassemus sententiam promulgare, imo etiam universos fidelium populos in tuum excidium armassemus. » Epist. Inn. III, t. I, p. 239, anno 1198.


114 — page 368Raymond VI, comte de Toulouse

Nous citons le fragment suivant comme un monument de la haine des prêtres.

« D’abord, dès le berceau, il chérit et choya toujours les hérétiques ; et comme il les avait dans sa terre, il les honora de toutes manières. Encore aujourd’hui, à ce que l’on assure, il mène partout avec lui des hérétiques, afin que s’il venait à mourir, il meure entre leurs mains. — Il dit un jour aux hérétiques, je le tiens de bonne source, qu’il voulait faire élever son fils à Toulouse, parmi eux, afin qu’il s’instruisît dans leur foi, disons plutôt dans leur infidélité. — Il dit encore un jour qu’il donnerait bien cent marcs d’argent pour qu’un de ses chevaliers pût embrasser la croyance des hérétiques ; qu’il le lui avait mainte fois conseillé, et qu’il le faisait prêcher souvent. De plus, quand les hérétiques lui envoyaient des cadeaux ou des provisions, il les recevait fort gracieusement, les faisait garder avec soin, et ne souffrait pas que personne en goûtât, si ce n’est lui et quelques-uns de ses familiers. Souvent aussi, comme nous le savons de science certaine, il adorait les hérétiques en fléchissant les genoux, demandait leur bénédiction et leur donnait le baiser. Un jour que le comte attendait quelques personnes qui devaient venir le trouver, et qu’elles ne venaient point, il s’écria : « On voit bien que c’est le diable qui a fait ce monde, puisque rien ne nous arrive à souhait. » Il dit aussi au vénérable évêque de Toulouse, comme l’évêque me l’a raconté lui-même, que les moines de Cîteaux ne pouvaient faire leur salut, puisqu’ils avaient des ouailles livrées à la luxure. O hérésie inouïe !

« Le comte dit encore à l’évêque de Toulouse qu’il vînt la nuit dans son palais, et qu’il entendrait la prédication des hérétiques ; d’où il est clair qu’il les entendait souvent la nuit.

« Il se trouvait un jour dans une église où on célébrait la messe ;