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TABLEAU DE LA FRANCE

la cave où il vivait, se créèrent un monde, au défaut du monde, un paradis moral de doux songes et de visions ; en dédommagement de la nature qui leur manquait, ils se donnèrent Dieu. Aucune classe d’hommes n’alimenta de plus de victimes les bûchers du moyen âge. Les Vaudois d’Arras eurent leurs martyrs, comme ceux de Lyon. Ceux-ci, disciples du marchand Valdo, Vaudois ou pauvres de Lyon, comme on les appelait, tâchaient de revenir aux premiers jours de l’Évangile. Ils donnaient l’exemple d’une touchante fraternité ; et cette union des cœurs ne tenait pas uniquement à la communauté des opinions religieuses. Longtemps après les Vaudois, nous trouvons à Lyon des contrats où deux amis s’adoptent l’un l’autre, et mettent en commun leur fortune et leur vie[1].

Le génie de Lyon est plus moral, plus sentimental du moins, que celui de la Provence ; cette ville appartient déjà au Nord. C’est un centre du Midi, qui n’est point méridional, et dont le Midi ne veut pas. D’autre part la France a longtemps renié Lyon, comme étrangère, ne voulant point reconnaître la primatie ecclésiastique d’une ville impériale. Malgré sa belle situation sur deux fleuves, entre tant de provinces, elle ne pouvait s’étendre. Elle avait derrière les deux Bourgognes, c’est-à-dire la féodalité française, et celle de l’Empire ; devant, les Cévennes, et ses envieuses, Vienne et Grenoble.

En remontant de Lyon au nord, vous avez à choisir

  1. Après avoir rédigé cet acte, les frères adoptifs s’envoyaient des chapeaux de fleurs et des cœurs d’or.